avr 14 2008
Alors, tout est dans les genous?
“Tu trouves pas qu’il y a beaucoup d’étrangers en ce moment” me demande Ayano alors qu’on entre dans une machine à purikura à la suite de deux grandes blondes aux yeux bleus.
“Bah, il y a moi déjà…”
“E?” sursaute Ayano comme si elle venait de faire une découverte stupéfiante. Et elle met 400yens dans la machine.
Je prends la pose! Je fais l’indien, la disco girl, l’abrutie comme toujours, mais je réfléchis (un peu). Est-il possible qu’elle me considère comme une amie plutôt qu’une française… C’est vrai que notre conversation au Wendy’s n’avait rien des considérations culturelles habituelles. Ca donnait plutôt “et Fumiya, tu le connais depuis quand? Si on allait à Kyôto en Juillet voir Kapi! J’en ai marre de mon job… On se fait un karaoke après?”.
“Ah… j’avais peur qu’il faille parler en anglais quand Mayu m’a dit qu’elle venait avec une amie française! Mais, il n’y a vraiment pas de problème avec toi” me dit Takahashi, une des collègues de Mayu qu’on a rejoind dans un bar après le concert de Metronome (oui encore, désolée).
“C’est bien! C’est la première fois que je peux parler avec quelqun de l’étranger! Tu vas pouvoir nous raconter plein de choses!” ajoute l’autre collègue (dont j’ai oublié le nom).
“Ah? Elle vient d’où?” s’incruste une jeune fille assise à côté de Takahashi.
“De France!”
“Ahhhh! Je peux te toucher!”. Elle me tate le bras. Elle me chatouille, je suis pliée en deux, le umeshu à la fraise aidant.
Bon… Je suis une curiosité? Ou je suis une amie comme les autres? En tout cas, les deux version me conviennent. J’aime bien que ces genres de situation s’alternent. Comment ne pas être heureuse de devenir la mascotte d’un petit (mini) bar perdu dans une ruelle sombre de Shibuya? Comment ne pas être heureuse de parler avec une pote de tout et de rien en glandouillant dans un fast food. Bref, je suis vraiment bien ici.
Mais en y réfléchissant, j’ai échoué sur un point dans mon adaptation au pays : je parais être, aux yeux de tous les hommes japonais (enfin une certaine majorité), une femme forte qui a la classe. Je suis tsuyoi 強い (forte) et kakkoi かっこいい (classe) quoi… En quoi c’est un échec? Je ne sais pas vraiment mais il semble que ce soit une tare ici.
Bon, moi je m’en fou un peu, je ne vais pas passer ma vie ici! Fuyez messieurs si vous n’avez pas les kintama de vous approcher d’une fille d’un mètre soixante-cinq aux poings gros comme des kiwis et à la voix d’une gamine de 12 ans (impressionnant non?). Mais je pense à toutes les japonaises qui ont le “caractère d’avoir du caractère”… Elles aussi les pauvres doivent être kakkoi. Et les filles ne doivent pas être kakkoi mais kawai (mignonne). J’ai d’ailleurs appris quelque chose de très intéressant/choquant aujourd’hui à ce sujet.
Avez vous déjà remarqué que certaines japonaises ont les genous qui se disent bonjour? Elles marchent les pieds rentrés vers l’intérieur à deux doigts de se déboiter les rotules.
“C’est la seule chose qui m’a surprise ici.” avoue Camille.
Yuuki et Nobu expliquent “Ah… c’est vrai. Mais toutes les filles sont pas comme ça! Et puis, il y a des hommes japonais qui aiment bien ça. Ca a quelque chose de mignon. Ca fait fragile. Oui, c’est ça ; les femmes fortes, c’est classe et les femmes fragiles, c’est mignon. Enfin, certains hommes pensent comme ça…” Ouai… pas la peine d’essayer de vous rattraper! Faites chié avec votre “femme fragile”! Combien de fois, les hommes eux même nous a dit qu’ils n’osaient pas trop aborder une femme qui avait l’air forte. Et maintenant, on nous apprend qu’ils ont besoin d’une fille aux jambes désarticulées pour se sentir bonhomme?
Alors, je nous revois, Camille et moi vendredi, attendant à la sortie Est de Ikebukuro.
Moi “Je le fais bien là?”
Camille “Tu trouves pas que c’est fatiguant…”
Moi “J’ai peur de rester coincé.”
Camille “Faudrait réussir à marcher aussi comme ça”
On a à fait quelques pas les genous et les pieds rentrés vers l’intérieur avec la démarche si caractéristique des pigeons sans doigts de patte de Paris. Camille a raison c’est fatiguant.